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LE RALLYE DE C'ÔTE D'IVOIRE - Histoires et Légendes

Rien ne prédestinait la Côte d’Ivoire à être une terre de Rallye, que dis-je une terre de Rallye, un des berceaux mêmes du Rallye automobile sur terre, une de ces terres où le passage est obligatoire, où la magie fait que l’on a envie de se poser un peu plus longtemps, pour profiter un peu plus, s’imprégner un peu mieux de l’âme des gens et des lieux. Non, vraiment, difficile de voir ce qui prédestinait cette terre à cette passion, à moins que…

 

A moins que l’histoire ne nous démontre l’inverse, à moins qu’elle ne nous prouve que tous les éléments étaient réunis pour que naisse ce terreau fertile qui verrait les plus dévorantes passions et les plus flamboyants talents éclater au grand jour et rayonner bien au-delà de nos frontières.L’Histoire, elle, est faite de petites histoires, amusantes anecdotes et autres surprises, laissez moi vous en faire découvrir quelques unes… Oui, à bien y penser, oui, cette terre réunissait toutes les qualités requises, pensez-y, nous sommes dans les années 1970, la Côte d’Ivoire est prospère, riche et diversifiée, nombreux sont ceux qui, participant de cette réussite, vivent pleinement leur vie et leur passion et c’est de la conjonction de ces trois facteurs, la terre, Ivoirienne, les hommes et leurs passions que naîtra l’histoire du Rallye sur terre en Côte d’Ivoire. L’histoire, cette histoire, est faite de petites histoires, anecdotes et autres surprises et voici comment elle commence : 

 

Nous sommes en 1952 et débarque à Abidjan, du haut de ses seize ans un personnage qui va bouleverser le paysage du sport auto Africain, son nom, Jean Claude Bertrand, travaillant dans la plantation de bananes familiale le jeune Jean Claude sillonne déjà ces pistes au volant de divers véhicules. Comme de nombreux autres dans leurs plantations respectives Jean Claude se prend de passion pour la vitesse et la maîtrise de son véhicule, ainsi les uns et les autres se retrouvent-ils régulièrement pour s’affronter sur différents parcours. Passionné, Jean Claude Bertrand l’est bientôt à un point tel qu’il éprouve le besoin d’aller participer à tous les grands Rallyes européens de l’époque.
Très vite, sa passion, alliée à son expérience accumulée le pousse à se lancer dans l’aventure de l’organisation d’une épreuve, nous sommes alors en 1969, le Rallye du Bandama vient de naître et son géniteur l’annonce comme le Rallye plus beau et le plus dur au monde !!!. Profitant de tous ses contacts établis lors de ses pérégrinations en Europe, Jean Claude Bertrand parvient à réunir un plateau de concurrents et une couverture presse des plus convaincants. Séduit par le résultat (comme les participants par l’épreuve !) il persévère et améliore chaque année son Rallye qui gagne en notoriété, non seulement par la beauté des contrées traversées mais aussi par la rudesse de l’épreuve, à tel point que l’année 1972 donne raison à Jean Claude Bertrand, son Rallyes est si dur qu’aucun concurrent ne rallie l’arrivée, le « Bandama » vient de gagner ses lettres de noblesse, fait unique dans l’histoire du sport automobile mondial, la revue Echappement titre alors : " Bandama, le Rallye de l’impossible ".
L’histoire est dès lors en route, le « Bandama » devient le Rallye de Côte d’Ivoire – Bandama et ce fleuve impétueux sera le plus bel ambassadeur du pays dans le domaine des sports mécaniques !!!

De 1978 à 1992 le Rallye intégre alors le Championnat du Monde FIA des Rallyes et toutes les « stars » de ce sport s’illustreront sur nos pistes de latérite, ainsi, entre autres, les Jean Pierre Nicolas (par la suite patron de Peugeot-Sport), Jean Todt (patron de la FIA), Henri Pescarolo, Bjorn Waldegard, Hannu Mikkola, Juha Kankkunen,  Jean Ragnotti s’affronteront pendant toutes ces années sur nos pistes à la conquête de ce Rallye de l’impossible, un « Bandama » à cette époque parcourt près de 5 000 kms à travers le pays, d’Abidjan à travers les 4 coins de la Côte d’Ivoire, Yamoussoukro, Bouaké, San Pedro, Korhogo, Odienné, Abengourou, Tabou, Man, Séguéla, Danané, Guiglo, Agboville, Aboisso, Tiébissou, Daloa, Soubré, Boundiali, Dabakala, Dimbokro, Alépé, Kossou, Toulepleu, Béoumi, Issia, Tiassalé, Katiola, Sakassou, Bouaflé, Akoupé, Touba, pas une seule ville qui n’ait échappé à l’appétit de ces dévoreurs de latérite !!

 

Mais le « Bandama », outre cet engouement mondial sera aussi, au-delà du vecteur communication fort, un créateur de talents et l’effet émulation jouera en plein son rôle. Et rapidement l’on retrouvera sur les podiums finaux des enfants du pays, tels Adolphe Choteau ou Patrice Servant, ou bien encore Patrick Tauziac, qui l’emportera même en 1990 avec son fidèle copilote Christian Boy, ou enfin le multiple Champion d’Afrique des Rallyes, Alain Ambrosino qui l’emportera également en 1988.

Alain Ambrosino justement, « le Patron », qui connaîtra par la suite une carrière internationale qui le conduira du Rallye au Rallye – Raid, de Côte d’Ivoire en Afrique du Sud, en passant par le Rwanda, le Zaïre, l’Egypte, le Mali, le Niger, la Mauritanie, la Lybie, le Maroc, le Sénégal ou encore le Burkina Faso pour ne citer que ceux là ; au-delà du continent, il fera aussi montre de son talent aux Etats-Unis ou en Chine, dans la plupart des compétitions les plus prestigieuses au Monde en Rallye Raid notamment. Il courra sur le célèbre « Dakar » à dix reprises avec un talent non feint et des résultats à la hauteur de celui-ci.

Sa soif d’ailleurs assouvie, c’est ici qu’il reviendra et continuera à courir jusqu’au début des années 2 000, et aujourd’hui encore, il n’est pas rare de le voir au bord d’une piste ou lors d’une assistance apporter son expérience quand sa casquette de patron de la Fédération Ivoirienne des Sports Automobiles lui en laisse le temps !

 

Mais revenons à Jean Claude Bertrand, alors que le « Bandama » prend de l’ampleur et vole par la suite de ses propres ailes, notre baroudeur de génie continue de participer à quelques épreuves extérieures comme au Maroc, en Algérie ou encore en Islande et parmi ses contacts a les organisateurs du Rallye du Monte Carlo, avec ceux-ci et quelques participants du « Bandama » il met rapidement sur pied une aventure un peu folle et totalement surréaliste, traverser de Côte d’Ivoire à la Côte d’Azur avec leurs voitures, nous sommes en 1974 et ce projet loufoque va révolutionner le Monde du Rallye Raid en donnant naissance quelques années plus tard à l’épreuve reine de la discipline encore aujourd’hui, communément appelée le « Dakar » !

 

Voici la petite histoire qui fera l’Histoire du « Dakar », l’étincelle qui allumera le feu qui brûle encore dans le cœur de milliers de passionnés à travers le Monde :

 

En 1975, après l’essai de l’année précédente, Jean Claude Bertrand met en place une aventure avec un grand A, celle de relier chaque année la Côte d’Ivoire à la Côte d’Azur, l’Abidjan – Nice est né, plus communément appelé le Côte – Côte. Fidèle à ses convictions et à son expérience, JC Bertrand veut ce Rallye, difficile, long et veut une vraie aventure. Le moins que l’on puisse dire c’est que les concurrents seront servis, certains plus qu’à leur goût, tel ce motard qui, lors de la seconde édition en 1977, se perdra dans le désert du Ténéré pendant 3 jours. Au bord de la mort il sera sauvé in-extrémis et reviendra au monde réel avec une idée en tête, faire partager à d’autres son expérience quasi mystique au sein d’une aventure, avec une idée maîtresse qu’il exprime ainsi : « …Un défi pour ceux qui partent. Du rêve pour ceux qui restent… ». Ce jeune motard rêveur a un nom, Thierry Sabine, il vient de rêver son « Paris - Dakar » en partant d’Abidjan pour rejoindre Nice, il est, lui aussi, tombé sous le charme…

 

En 1978, le « Dakar » s’élance pour la première fois de Paris pour rejoindre la capitale Sénégalaise, mais l’histoire d’amour entre le Rallye et la Côte d’Ivoire n’est pas tout à fait terminée, ainsi en 1981, il passe par Bouna, Ferkéssedougou et Korhogo avant de rejoindre le Mali, en 1982 il s’autorise une incursion à Korhogo et en 1984, il plonge de Bouna à Yamoussoukro avant de rejoindre à nouveau le Mali en passant par Touba.

Et l’âme Ivoirienne du Rallye continue de fonctionner, ainsi, en 1982, justement, lors du bivouac du « Dakar » à Korhogo, la famille du jeune Alain Duclos héberge alors ce soir là un concurrent, ce concurrent,  Raymond Loizeau, passera une grande partie de la soirée à compter son récit de motard, son aventure, au petit matin il laissera Korhogo derrière lui et une passion naissante, Alain Duclos se jure de participer un jour à cette course. Il trafique alors sa mob et part rouler en brousse des journées entières avec ses amis. Quelques années plus tard sa passion pour la moto tout-terrain toujours présente il découvre la compétition par... le DAKAR ! Aujourd’hui pilote officiel KTM en Rallye Raid (7ème au général en 2006), il n’est pas rare de croiser Alain Duclos sur les Enduros en Côte d’Ivoire, heureux de faire partager un peu de cette expérience acquise au fil des ans à travers le Monde, lui aussi revient régulièrement vers cette terre qui a vu naître sa passion, lui aussi a découvert l’âme du Rallye !

 

Et Jean Claude Bertrand me direz-vous ? Jean Claude Bertrand continue d’imaginer, de rêver des épreuves toujours plus folles, ainsi, il créera l’association 5 sur 5 afin d’organiser, chaque année, sur chacun des 5 continents et pendant 5 ans, une course de légende, une vision de notre sport à grande échelle, certainement trop avant gardiste à l’époque, le projet échouera... Ironie du sort l’année dernière le Dakar a parcouru les steppes d’Europe de l’est et flirté avec l’Asie, cette année il est sur le continent Sud Américain ! Et si ce diable d’homme avait eu raison, et si cette aventure devait s’internationaliser, le savent-ils alors, tous, que c’est en Côte d’Ivoire que leur rêve est né, qu’il a pris forme ?

 

Jean Claude Bertrand nous a quittés en 2005 lors de reconnaissances d’un nouveau Rallye qu’il souhaitait organiser l’année suivante, ce jour là c’est un peu notre père à tous qui continuons à pratiquer le sport automobile et le Rallye en Côte d’Ivoire qui nous a laissés orphelins, mais grâce à sa vision, grâce à l’âme de ce pays en la matière, nous sommes tous de fidèles fils, toujours aussi passionnés, à courir d’Abidjan à Gagnoa, d’Abengourou à Adzopé, d’Alépé à Assinie tout au long de l’année grâce à nos clubs ; nous sommes ainsi un peu les détenteurs de cette âme, cet esprit qui règne depuis plusieurs décennies en terre Ivoirienne avec pour seul moteur notre passion, pour seul objectif le podium et pour seule mission transmettre le feu sacré de la passion.

 

Voilà, la boucle est bouclée, d’Abidjan à Abidjan en passant par la planète entière, tous ceux qui ont illustré ce récit ont aussi bouclé leur boucle et sont revenus vivre leur passion ici, en Côte d’Ivoire, un pays, des hommes et des passions, au final, quels qu’ils soient, ils sont peu nombreux à avoir foulé cette terre d’accueil pour y assouvir leur passion, le Rallye, et à ne pas être repartis avec ce petit supplément d’âme qui enrichit un homme, nourrit sa passion et éclaire une vie.

C’est tout cela le Rallye automobile, alors rajoutez-y cette étonnante alchimie entre les hommes, le pays et leurs passions et vous ne sortirez pas innocent de votre prochaine rencontre avec la terre, le sable ou la latérite Ivoiriens.

Alors, la prochaine fois que vous atterrirez à l’aéroport International Félix Houphouët Boigny, pensez-y et faites quelques pas à l’extérieur, humez l’air, trouvez un peu de terre et faites la glisser entre vos doigts, vous êtes arrivés sur une terre de Rallye, que dis-je une terre de Rallye, un des berceaux mêmes du Rallye automobile sur terre, un de ces terres où le passage est obligatoire, où la magie fait que l’on a envie de se poser un peu plus longtemps, pour profiter un peu plus, s’imprégner un peu mieux de l’âme des gens et des lieux.

Nul doute, dès lors, que vous aurez à cœur de communiquer à d’autres cette expérience, cette rencontre quasi mystique avec le sport automobile, avec l’âme du Rallye, ici en Côte d’Ivoire !

Alors que rien ne prédestinait la Côte d’Ivoire à être une terre de Rallye, non, rien, à moins que…


 

Abidjan, le 14 janvier 2009
B. LABORDE

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